Compte-rendu de la première réunion CEDREA du 29 janvier 2019

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La première réunion CEDREA a fédéré des personnes provenant d’horizons très divers. Elle s’est axée autour de deux thèmes, la réactivation de la revue CEDREA et une réflexion collective autour du thème de la violence, et tout particulièrement du phénomène des rixes en Ile-de-France. Etaient notamment présents des chercheurs-acteurs de l’APSAJ et de l’IRTS Paris.

Ci-dessous, les compte-rendus de la réunion, classés par ordre chronologique d’apparition !

Compte-rendu de Benjamin Grassineau

Thèmes abordés et discutés lors de la rencontre :

La violence

Une large partie de la discussion s’est axée autour du concept même de violence, sur la légitimité de la violence et sur les causes de la violence.

Parmi les questions soulevées :

  • Faut-il parler de rixe ou de violence ?
  • Distinguer plusieurs formes de violence et peut-être plusieurs formes de "bagarres de rue" : rituel de passage à l’âge adulte, jeu qui peut parfois s’avérer dangereux ou au contraire violence déshumanisante (rupture du lien social) : ex : comportement des dealers vis à vis des toxicomanes, comportement vis à vis d’une bande qu’on ne connaît pas, règlements de compte, etc.
  • Elargir la violence à la violence faite aux femmes et à la violence faite aux enfants.
  • La violence amplifiée dans certains contextes : la nuit, la fatigue, les écrans qui accroissent peut-être le côté déshumanisant (?).
  • La violence produite par une frustration, par des situations d’enfermement.
  • La violence comme fait culturel : ce qui paraît violent pour l’un peut sembler normal pour l’autre. D’où la nécessité de prendre en compte nos propres représentations de la violence et la façon dont les acteurs le perçoivent. Anthropologie réflexive : réfléchir à la façon dont le travail de prévention, le travail social, le travail de recherche part de présupposés sur la violence (réification de la violence), produit une certaine représentation de la violence, voire, contribue à le "modeler". Sujet également abordé : les changements de comportements en fonction de la présence ou non d’un éducateur de rue.
  • La désignation de l’autre comme violent, la représentation de la violence comme objet de négociation à l’intérieur de situations conflictuelles. La question de savoir qui est violent, qu’est-ce qui est violent n’est pas neutre dans une relation de pouvoir ou une relation de conflit.
  • Sur les finalités : dans la lutte contre la violence, n’y a-t-il pas un phénomène d’acculturation ? D’où un parallèle fait avec d’autres pratiques qui sont minoritaires et subissent des formes de violence institutionnelle. Ex : la pauvreté volontaire. Autre question : peut-on produire un travail social en dehors du contexte institutionnel ?
  • Ou une contradiction : réprimer la violence par la violence, et notamment par la violence institutionnelle, par la violence d’un Etat de plus en plus "raciste" (?).
  • La légitimité de la violence. La violence est-elle toujours illégitime ? Lorsque les acteurs abordent le sujet des raisons de leur violence ou de celles des autres (le discours varie-t-il dans ce cas ?), ils avancent généralement une justification endogène de la violence qui, d’une certaine manière s’appuie sur des représentations "légitimes" de la violence. Si on demande aux acteurs de participer à la recherche-action et si on écoute leurs revendications, on doit nécessairement prendre cette parole au sérieux.

La recherche-action et le laboratoire.

Parmi les thèmes abordés ou qui auraient pu l’être :

  • Quel positionnement du laboratoire par rapport à l’institution ?
  • Comment intégrer les acteurs dans la recherche ?
  • Comment faire en sorte que le caractère institutionnel d’un laboratoire ne constitue pas un frein pour les acteurs ?
  • Comment les amener à prendre en main eux-même la résolution des conflits, à trouver en eux-mêmes les connaissances et les ressources nécessaires pour lutter contre la violence ?
  • Comment valoriser un tel savoir et comment le diffuser ?
  • La question de l’émancipation. Comment s’émanciper ? Qu’est-ce que s’émanciper ? S’agit-il de se positionner en dehors de la norme ou dans la norme (l’utiliser) ? Il a été suggéré que cette question soit l’objet de la réunion suivante.

CEDREA

La question de la revue et du réseau CEDREA a été développée en partie en informel après la réunion :

  • D’abord, reconstruire le site qui a planté récemment !
  • Se donner comme contrainte une publication à minima une fois par mois à tour de rôle. En s’y mettant à plusieurs, cela permettrait d’avoir chacun à faire une publication en moyenne tous les 6 mois. Ce qui permettrait de faire revivre le site. Ces publications peuvent être de n’importe quelle nature : billet d’humeur, carnet de recherche, articles étoffés, statistiques, articles importés, etc.
  • Conserver le modèle très "auberge espagnole" qui en fait la force et l’originalité : chacun arrive avec ses propres thématiques, ses propres recherche-action, et les expose, les confronte aux autres.
  • Possibilité de se concentrer par moment tous ensemble sur des thèmes de recherche particuliers : en sachant que chacun peut en proposer.
  • Inviter des personnes à participer.
  • Se réunir régulièrement (3 fois / an ou une fois par trimestre).
  • Le lieu de réunion ?!

Compte-rendu de Michel Liu

Je (Michel Liu) rajoute ma vision de la réunion à celle de Benjamin, qui est très bonne et exhaustive en ce qui concerne les thèmes abordés au cours de la réunion et ensuite au café pour Cedrea. Je n’ai rien à rajouter sur ce point. Je demande à Marc de bien vouloir transcrire pour ces comptes rendus, les notes qu’il a prises sur le paper-board, car il y a là sa vision de la réunion. Il vaut mieux que se soit lui qui le fasse que moi, comme c’était prévu, car je risque de trahir son expression.

Mes points de vue porteront sur la dynamique de la réunion et sur les perspectives.

Les points qui me paraissent très positifs sont :

que chacun a pu s’exprimer à partir de sa personnalité et de son expérience vécue, alors que nous nous étions au moins trois groupes ayant des historiques différentes, des microcultures variées, des références culturelles et institutionnelles particulières. La tolérance et la compréhension mutuelle m’ont parues bonnes pour un premier contact. J’ai ressenti le climat de notre réunion comme convivial, confiant. Nous avions les uns pour les autres de la considération et du respect des différences. L’expression de chacun était sincère et fondée sur l’expérience personnelle et la personnalité. Aucune artificialité.

Par contre il y a aussi des insuffisances :

  1. Le manque de précision sur les termes. Les discussions sur la violence et sur l’émancipation ont montré que chacun avait une représentation divergente de ces termes. Cela n’est pas étonnant pour une première réunion. Le premier des résultats d’une recherche action c’est de créer entre ses acteurs une communauté où il y a un vocabulaire commun. Tous comprennent un mot à peu près de la même façon, ou du moins dans un même intervalle de sens.
  2. Un meilleur équilibre entre respect, considération, et compréhension de l’autre et l’expression de soi, lorsqu’elle est différente ou opposée à celle qui a été exprimé par un autre. Il s’agit d’un deuxième apprentissage dans la communauté d’une recherche action. Trouver le ton et la manière de s’exprimer dans le respect et la considération, lorsque ce qu’on a à dire est déviant par rapport aux normes du groupe ou par rapport à celle d’un autre membre. C’est aussi un trait d’émancipation.

Pour les perspectives :

Il faut que nous arrivions à avoir un vocabulaire compatible. Il ne s’agit pas de redéfinir tous les mots, ni d’arriver à une définition du Larousse ou du Robert, mais pour les concepts fondamentaux : pour l’instant j’en vois deux : violence et émancipation, il faut faire un travail d’échange pour arriver à une délimitation partagé de ces concepts. Trouver ensemble une frontière ouverte, séparant ce qu’il y a dedans, et ce qui est dehors. Cela aidera pour les discussion Peut être mettrons nous en évidence d’autres concepts fondamentaux, où il faudra le faire aussi. Pour les autres mots, cela se fera spontanément au cours des échanges.

Un autre aspect est que chacun apporte des ouvertures sur ce qu’il sait et qui lui paraît utile pour le groupe recherche action (ra) .

Pour ma part je vois deux apports utiles :

  1. Méthodologique, il y a eu récemment émergence de communautés d’ apprentissage et d’action qui ont été étudiés. Cela vaut la peine d’avoir ces connaissances : les communautés de pratiques et les communautés épistémologiques.
  2. Les sources des connaissances, récemment aussi il y a une véritable explosion sur les questions : d’où viennent les connaissances et comment elles se construisent ; les épistémologies du savoir se multiplient (Savoir situé et/ou Apprentissage Situé), il est utile pour la recherche action de les connaître. Je peux faire des apports sur ces points.

J’espère que la discussion se continuera, avant la prochaine rencontre qui sera alors d’autant plus riche.

Compte-rendu de Françoise Crezé

Projet de laboratoire de recherche à l’APSAJ

Compte rendu de cette première réunion pas à pas à partir de mes notes prises au cours de la réunion.

Les personnes qui participent à cette première réunion se retrouvent autour de la recherche-action.
Michel Liu précise que l’on se retrouve autour des problèmes de formation.
Il s’agit de reconnaître les connaissances, les pratiques d’activités des différents acteurs puis d’essayer de co-construire des savoirs dans une communauté apprenante. Une des dimensions de cette communauté est l’émancipation de chacun de ses membres, et l’émancipation collective.
Leila et Aude remarquent que l’injonction faite aux travailleurs sociaux est de mettre l’usager au centre.
Marc parle de notion de réciprocité, et aussi d’échanges dissonants.
Il remarque que les pompiers accèdent aux informations qui ont du sens pour eux.
Il parle ensuite de la violence et leurs « polyformes »

Une discussion s’engage sur la violence et les rixes.
Les rixes préoccupent les autorités municipales.
Les bandes qui s’affrontent sont les mêmes. Il y est question de jeunes, de loyauté, de rites de passage. Il y a sélection des plus forts. Les risques pris sont grands. Comment s’émanciper de cette violence ? Comment la conscientiser ?
Comment construire une expertise interne ?
« on se bat parce qu’on ne se connaît pas ». Le quartier est une protection, c’est un territoire connu. Il y a une question de frontières.
Ces bagarres entre bandes se répètent de génération en génération de jeunes.
Mais qu’est-ce qu’un jeune ? Qu’est ce que la norme ? Comment les normes se créent-elles ?

Il y a une différence entre violence et colère.
La nature humaine n’est pas obligatoirement violente.
Ce qu’on appelle violence, n’est ce pas un déni de l’humain ? Il est des situations existentielles qui sont violentes.

Il serait peut-être intéressant de porter l’attention sur les petits groupes, leurs rôles, leurs micro cultures ; d’élucider ce qui se passe à l’intérieur de ces petits groupes ; on a parlé du manque de sommeil…

On a parlé de la question du sens.
Mettre du sens pour que leur quartier vive bien. Ils sont capables de reconstruire leurs points de vue.

Il existe une conscientisation par le monde associatif.
L’informel prend le relais ; solidarité, alternatives solidaires, pour faire face à la dépendance, à la vulnérabilité.
Où sont les espaces où les gens peuvent se reconstruire ?
Les uns, les autres ont besoin de réseaux ouverts.

Qu’est-ce que l’émancipation ? Qu’est-ce qu’un émancipateur ?
Idée de la réconciliation : se mettre en dehors de la situation, prendre du recul, se mettre dans une dynamique où l’on est capable de faire un pas de côté…
Il y a dans tous les cas une reconnaissance d’humanité.
Paolo Freire a été cité.

Françoise Crézé

Le 31 Janvier 2019

Compte-rendu de Leila Oumeddour

Bonjour,

Le résumé que nous avons reçu de Benjamin reflète bien le teneur de nos échanges, les réflexions/commentaires de Michel me semblent tout à fait pertinentes et la proposition de Françoise est en effet à creuser.

Je n’ai donc pas grand chose à ajouter à ce stade hormis le fait que le groupe est composé de personnes et de "sous-groupes" venant d’horizons divers portant des savoirs variés. Ce contexte induit que le niveau de connaissance et d’information relatifs au groupe que nous souhaitons constituer, à Cedrea, à la recherche que nous envisageons de mettre en œuvre, au laboratoire qui se construit sont très inégaux pour le moment. Bien sur que c’est dans la logique des choses mais je souhaite souligner ici qu’il est important que nous le gardions en tête lors des prochaines réunions et que nous tentions de réduire les écarts au plus vite.

Bien cordialement,

Leila Oumeddour

Posté le 29 janvier 2019