L’apprentissage à partir des spécifications critiques
La mise en œuvre du changement au sein de la démarche holistique se heurte à des paradoxes qu’il convient de lever. De ce fait, la méthodologie de la conception et de la réalisation d’un projet n’est pas la même que celle qui prévaut pour la construction d’un objet. Elle doit se transformer en démarche dans laquelle la conception et la réalisation sont liées. La conception ne peut plus être exhaustive, mais doit se faire par détermination de spécifications critiques, tandis que la réalisation résulte de la mise en œuvre de processus d’apprentissage et d’expérimentation en milieu ouvert.
Implementing social changes within the holistic research process generates paradoxes which have to be solved. Hence, social design cannot follow the same methodology as technical design. Social design will be based on identification of the critical specifications which allow the social system to evolve towards the desired aim. Social realization takes forms from learning processes and experimentations.
LA RÉALISATION D’UN PROJET DANS LA DÉMARCHE HOLISTIQUE
Les paradoxes liés à la réalisation
Un Sujet qui décide de mettre en œuvre un Projet se trouve confronté à trois paradoxes qui s’expriment sous la forme d’une triple impossibilité. La première, qui est aussi la plus fondamentale, est qu’en définissant un projet, le Sujet se place dans une situation paradoxale car il cherche à imposer à d’autres personnes humaines d’agir comme lui l’entend, c’est-à-dire de lui être soumises, alors qu’il veut respecter leur libre-arbitre. Dans la quasi-totalité des cas, ces personnes ne manqueront pas de lui manifester leur mécontentement et leurs réticences à être ainsi traitées.
Le deuxième paradoxe réside dans le fait que pour agir le Sujet doit tenir compte de toutes les caractéristiques de la situation, or celles-ci sont indénombrables et si l’on tient compte des êtres humains appartenant à la situation, un grand nombre d’entre elles sont de l’ordre de l’inconscient, ou réactives, c’est-à-dire inatteignables avant leur manifestation. Le sujet devrait donc être omniscient, ce qui n’est pas possible.
Enfin, pour agir sur les choses et sur les êtres, le Sujet, même s’il dispose des moyens d’influence nécessaires, sait que la transformation de ces entités dépend de temporalités différentes qu’il ne peut faire varier à volonté. Par ailleurs, ces transformations sont reliées au sein de la situation, le changement de l’une d’elles va avoir des répercussions sur toutes les autres. Il en résultera des effets inattendus, voire des effets pervers. Le Sujet devrait être omnipotent pour maîtriser la durée et l’extension des transformations qu’il souhaite entreprendre, ce qui constitue le troisième paradoxe qu’il devra affronter.
Le Sujet en se plaçant dans une démarche holistique génère ces paradoxes qu’il lui faut accepter et résoudre.
Le projet partagé, solution du premier paradoxe.
Pour résoudre le premier paradoxe, le Sujet n’a que deux voies : soit renoncer à utiliser la démarche holistique et imposer son projet aux autres êtres humains qui sont concernés (nous les désignerons sous le terme générique : "d’utilisateurs du projet"), soit chercher à obtenir leur adhésion. Examinons les avantages et les inconvénients de ces deux voies.
La première suppose l’utilisation d’une forme de coercition, ce qui demande que le Sujet détienne un pouvoir sur les utilisateurs et qu’il possède des moyens de sanctions en cas d’insoumission. Cette voie est très majoritairement suivie actuellement car elle est reconnue institutionnellement (lois, contrat de travail). Ses avantages et ses inconvénients sont bien connus. Aussi nous contenterons-nous de les présenter dans le tableau 1.
Ce tableau montre que les avantages l’emportent d’autant plus que le projet est purement technique, indépendant de la situation et des utilisateurs ou lorsque ces derniers sont soumis ou indifférents. Appliqué à des projets socio-techniques complexes, les inconvénients sont tels qu’ils interdisent tout succès à long terme du projet. Cette voie est donc non seulement incompatible avec une démarche holistique, mais elle est en outre inefficace, voire inapplicable lorsque le rapport des forces entre le Sujet et les utilisateurs n’est pas fortement en faveur du premier.
L’adhésion de tous les utilisateurs au projet passe par une participation effective de chacun selon ses capacités et son désir. Cette participation résout le premier paradoxe en permettant à l’ensemble des utilisateurs de faire jouer leur libre-arbitre au sein du projet. Lorsque le nombre de personnes est élevé, il est utopique de penser que tous s’enthousiasmeront pour le projet, mais dans la mesure où la participation est effective, ouverte et continue, on peut raisonnablement tabler sur l’engagement d’une large majorité d’utilisateurs qui deviendront actifs dans la mise en œuvre. Les autres auront des participations moins intenses, mais pourront à tout le moins y exercer leur esprit critique.
Cette participation demande un certain nombre de conditions pour s’établir : a) le Sujet doit s’attendre à ce que son projet soit modifié par les points de vue, les intérêts et les critiques des autres acteurs, il lui faut donc accepter que la définition du projet soit remise en cause et que sa conception soit participative, b) les acteurs (Sujet et utilisateurs) doivent être capables de formuler un projet commun. Ces conditions, qui sont en grande partie liées à la subjectivité des partenaires, sont désignées sous le terme d’attitudes.
Une attitude se définit comme « une prédisposition de la personne, profondément acquise et intégrée, à penser, sentir, percevoir et agir d’une certaine manière par rapport à un être ou à un événement » [1]. L’attitude d’une personne se manifeste dans sa manière de répondre à une sollicitation. Cette réponse révèle une stabilité et une permanence qui montrent une cohérence dans les comportements et manifestent les préférences de cette personne. Une attitude est de l’ordre de l’être, elle possède les trois dimensions cognitive, affective et conative. Les attitudes sont des savoir être qui prédisposent les acteurs à se conduire d’une manière qui leur permet d’exprimer leur autonomie, tout en s’ajustant aux interactions en cours. Elles dépendent de la culture et peuvent se développer par apprentissage.
La démarche participative facilite en outre la résolution des deux autres paradoxes. En effet, si un grand nombre d’utilisateurs s’engagent dans la réalisation du Projet, le volume des informations disponibles pour la résolution des difficultés qui se présentent, sera beaucoup plus grand que celui dont disposerait le Sujet s’il était seul. Par ailleurs, si tous les utilisateurs s’intéressent au projet, on peut espérer qu’ils déploieront leur vigilance et susciteront des interactions pour que les erreurs aux conséquences les plus lourdes soient évitées. Il en va de même pour le troisième paradoxe, le fait que les acteurs soient nombreux mettra en œuvre davantage de forces directes pour la réalisation du projet et suscitera les synergies nécessaires.
Toutefois ces aspects favorables ne s’établissent pas automatiquement, mais demandent des conditions que nous allons examiner ci-après.
L’apprentissage, résolution du deuxième paradoxe.
Le deuxième paradoxe est celui qui naît du nombre infini de variables qui interviennent dans la mise en œuvre d’un projet et de l’impossibilité pour un individu et même un collectif social de les connaître toutes. Sa résolution implique d’abord l’acceptation d’agir en situation d’ignorance partielle. Cette posture implique des risques, mais la démarche holistique indique que ces risques peuvent être réduits à un niveau acceptable. Elle stipule en effet que l’esprit humain peut reconnaître une forme sans pour autant en maîtriser tous les détails et qu’il peut atteindre un niveau de précision souhaitée dans la connaissance de cette forme pourvu qu’il fasse l’effort nécessaire.
Cet effort pour atteindre un niveau de risque jugé acceptable, devient naturel dans la mesure où la mise en œuvre du projet est conçue comme un processus d’apprentissage, où chacun considère cette mise en œuvre comme une situation qui contient de l’inconnu et comme une occasion d’apprentissage. Plus généralement, une telle attitude se développe dans la mesure où les événements de la vie quotidienne sont tous considérés comme des occasions d’apprendre.
La mise en place des dispositifs d’apprentissage et le développement de l’attitude correspondante ne vont pas de soi. La première suppose la connaissance de savoirs basés sur la recherche et sur l’expérimentation et une capacité de transfert pour adapter ces savoirs à une situation qui est toujours singulière. La seconde demande aux individus une curiosité et une volonté de progression, qui reposent sur une capacité à remettre en cause ses connaissances acquises et à évaluer ses actes et les événements vécus. L’élaboration des critères pour effectuer cette évaluation représente un effort individuel non négligeable.
Cet apprentissage conduit à l’acquisition de compétences individuelles et collectives. Les compétences collectives résident dans l’acquisition de capacités telles que : l’invention d’interactions efficaces et accueillantes, la contribution à créer des climats socio-émotifs gratifiants et stimulants, l’adoption de normes souples et pertinentes aux situations vécues, la capacité à définir des buts collectifs porteurs d’avenir, le partage de valeurs signifiantes et l’ouverture à des dialogues et à des cultures nouvelles.
L’autonomie et la coopération, résolution du troisième paradoxe
Le troisième paradoxe est celui qui est ressenti comme le plus limitant, il provient du constat des difficultés et des lenteurs des changements nécessaires et de celui de leur urgence. Il est renforcé par l’impossibilité de contrôler les relations multiples qui naissent du changement lui-même, ou qui proviennent des événements inattendus et des effets conjoncturels. Ce paradoxe se résout en transformant la réalisation du projet en une expérimentation continue effectuée "dans la vie courante", en vraie grandeur.
Comme pour les deux résolutions précédentes, celle-ci implique des structures collectives construites et le développement d’attitudes chez les individus. Les structures sont celles d’un dispositif expérimental, elles sont constituées pour pouvoir mener à bien des expériences, pour en suivre l’évolution et pour en évaluer les effets de manière aussi continue que possible. Les attitudes nécessaires déduites des leçons du passé demande le développement conjoint de l’autonomie et de la co-opération.
L’autonomie n’est pas l’indépendance, bien que ces deux notions impliquent fondamentalement la liberté de la personne. La première y ajoute la prise en compte des contraintes et des ressources de la situation pour mettre en œuvre les actions de cette liberté. Elle conjugue liberté et responsabilité, cette dernière n’étant pas limitée strictement aux actions individuelles, mais assumant toutes les conséquences du projet auquel on participe. L’Histoire nous a appris que rien n’est plus facile ni plus pernicieux que de rejeter sur une sujétion hiérarchique ou sur le collectif, les effets délétères d’un projet [2]. Cette responsabilité globale exige une lucidité et un courage que les cultures d’entreprise actuelles sont loin de favoriser. Enfin, l’autonomie demande l’égalité entre les êtres humains, car elle est difficile à exercer lorsque l’on se considère inférieur à un autre individu, et l’on ne la tolère pas chez les autres lorsque l’on se considère supérieur à eux.
La co-opération entre individus autonomes ne peut se réduire à des comportements conformistes et uniformes. Elle appelle la prise en compte des différences individuelles, nécessaire pour que s’épanouissent les individus et que se manifeste la synergie au sein des activités communes en phase de conception comme en phase de réalisation. Elle repose sur une solidarité et sur une capacité de confrontation, ces deux attitudes étant indispensables pour éviter les oppositions d’intérêts, les conflits et l’indifférence d’une part, l’aveuglement fusionnel, le conformisme, et le corporatisme qui remplace l’égoïsme individuel en égoïsme collectif d’autre part.
Les conditions de la faisabilité des projets
Remarquons en premier lieu que les solutions apportées pour la résolution des trois paradoxes se renforcent l’une l’autre. La participation de tous les usagers est un élément favorable à leur implication dans un processus de formation car ils sont tous concernés par le projet et doivent résoudre les difficultés liées à sa réalisation, ils seront donc motivés par un apprentissage dont ils perçoivent l’intérêt et l’utilité immédiate. Le processus d’apprentissage peut s’appuyer sur l’expérimentation directe et celle-ci peut mobiliser les étudiants dans la réalisation de ses activités. Par ailleurs le désir d’apprendre augmente avec la recherche de nouvelles solutions et l’expérimentation profite de cette motivation.
Il en va de même pour les attitudes qui constituent un ensemble cohérent et synergétique : la liberté respectée et reconnue par la participation favorise le développement de l’autonomie, tandis que la composante responsabilité que cette dernière recèle favorise la participation. La co-opération apporte la preuve de la réalité de la participation. La lucidité, l’engagement, la capacité d’évaluation demandés par l’apprentissage sont des attitudes qui sont indispensables tant pour établir une participation réelle que pour développer des individus autonomes et co-opérants.
Cette cohérence possède une signification importante pour le changement : d’une part, elle indique que le projet réalisé par le changement sera consistant et unifiant, d’autre part, elle exprime aussi qu’il est total et radical, donc qu’il sera long et difficile à obtenir.
Les modes de résolution de chacun des paradoxes présentent une similitude : ils font appel à la mise en place d’interactions sociales spécifiques (participation, apprentissage, expérimentation) qui demandent chacune un mode d’organisation particulier et des attitudes définies. Il reste à définir une pratique pour assurer leurs mises en œuvre.
#LA DÉTERMINATION DES SPÉCIFICATIONS CRITIQUES
La faisabilité dans la démarche holistique
La faisabilité d’un projet dépend de la mise en place de structures sociales (organisations apprenantes, dispositifs d’expérimentation, pédagogies, ...) animées par des dynamiques fondées sur le développement d’attitudes. Nous n’examinerons pas les modes de résolution des trois paradoxes successivement, ni a fortiori de techniques et de modes opératoires applicables à certaines catégories de situations, mais proposerons une démarche de faisabilité holistique.
Cette démarche est différente de celle qui prévaut dans le cadre de l’approche analytique et que nous appellerons : "la construction mécanique". Elle s’inspire des modalités de la croissance organique. Les différences de nature entre ces deux processus sont indiquées dans le tableau 2. Elles sont claires et explicites, nous ne les commenterons pas davantage.
La démarche holistique diffère de la démarche analytique, la conception et la réalisation se font en demandant la participation de tous les usagers et en s’appuyant sur la détermination de paramètres critiques, ce qui permet de mettre en œuvre un processus d’apprentissage et d’expérimentation à partir du recueil d’un nombre d’informations limité. Les traits principaux de cette démarche sont indiqués dans le tableau 3, la comparaison avec la démarche analytique les rend explicites.
CONSTRUCTION MECANIQUE | CROISSANCE ORGANIQUE |
---|---|
Le système final est la réalisation exacte d’un plan prédéterminé. | Le système final dépend du plan originel et des situations rencontrées tout au long de la croissance. |
La viabilité est atteinte à la fin de la construction, elle n’existe pas en cours de construction. | À chaque étape de la croissance, un système viable existe. |
Assemblage d’éléments interchangeables. | Auto-ajustement des éléments suivant un double mouvement de différenciation et d’intégration. |
État définitif atteint à la fin de la construction. | Adaptation constante aux conditions de l’environnement. |
Obsolescence | Apprentissage – Développement. |
Panne | Crise et rupture. |
Les spécifications critiques.
Les connaissances obtenues à partir des recherche-action effectuées depuis plus de cinquante ans ont montré que les spécifications critiques nécessaires pour agir en situation socio-technique se définissent à partir de trois catégories de variables : a) les problématiques de situation, b) les paramètres critiques, c) les attitudes.
Les problématiques de situation permettent de suivre l’évolution d’une situation, elles décrivent la forme d’une situation, en tenant compte des processus qui s’y déroulent et de leurs interactions. Elles se définissent à partir d’une situation et d’un projet de transformation de cette situation. Les problématiques se construisent à partir d’un diagnostic de la situation. Ce sont des représentations qui intègrent les questions que le sujet se pose : a) pour comprendre les dynamiques en œuvre dans cette situation, b) pour définir son projet et concevoir les actions à mettre en œuvre pour atteindre la finalité poursuivie, c) pour répondre aux problèmes qu’il perçoit. Ces problématiques permettent la définition d’objectifs pertinents à atteindre pour faire évoluer la situation selon une option possible souhaitée.
Les paramètres critiques sont :
- des états de fait ou des entités (géographie, climat, histoire, culture, structures sociales, personnalité des individus)
- des ressources et des contraintes (temps, compétences, finances)
- des processus (conflits, coopérations)
- des conjonctures (événements, opportunités, menaces) qui existent ou qui surgissent dans une situation.
Ils peuvent également être des combinaisons des éléments précédents. Les paramètres critiques appartiennent aux domaines physique, technique, économique, institutionnel, législatif, social et humain. Dans les sciences de l’homme, il n’existe pas de lois déterministes, ni de programme génétique qui dirige les actions des individus ou l’évolution des institutions sociales. Il appartient donc à l’homme de constituer délibérément, en s’appuyant sur les connaissances et les expériences accumulées, un programme d’action pour mener à bien son projet. Ce programme doit pouvoir se réaliser dans des conditions locales données, et être aussi à même de s’adapter à leurs variations. Les paramètres critiques constituent donc des ressources à rassembler ou des conditions à maintenir pour qu’un projet puisse aboutir. Les paramètres critiques vont faciliter la détermination des ressources existantes pour atteindre les objectifs, ils souligneront à travers les difficultés à les réunir, les principales contraintes auxquelles se heurte la réalisation.
Nous avons déjà défini les attitudes et montré leur rôle essentiel dans la résolution des paradoxes de la faisabilité. Le développement d’attitudes chez ceux qui pilotent le projet leur permet de répondre aux demandes multiples et inattendues auxquelles ils auront à faire face, car elles les libèrent des habitudes et les autorisent à adopter ou à inventer des comportements originaux. Il n’est pas souhaitable que les autres acteurs au sein du projet aient des réactions stéréotypées face aux sollicitations, car ils doivent pouvoir donner des réponses pertinentes et à la hauteur de la situation. C’est pourquoi le développement d’attitudes chez tous les acteurs est recherché dans un changement social.
Les problématiques de situations, les paramètres et les attitudes sont appelés des spécifications critiques, pour indiquer un dernier principe de la démarche de réalisation. Sur le terrain, il est souvent difficile de distinguer les variables qui sont déterminantes pour la réussite du projet de celles qui ne le sont pas. Aussi le principe heuristique, qui préside au choix de ces variables, est-il de ne retenir que celles qui concernent les enjeux incontournables et d’en garder le nombre minimal. C’est pour cette raison qu’elles sont qualifiées de "critiques", parce que, d’une part leur absence interdirait la réalisation de l’action, et d’autre part étant en nombre minimal, elles définissent une situation où les degrés de liberté pour l’évolution sont nombreux.
Dans la pratique, dès que les problématiques de situation ont indiqué les enjeux importants, que les paramètres ont défini les ressources et les contraintes indispensables, et que les attitudes favorisant les interactions nécessaires ont été identifiées, la démarche de réalisation commence de manière participative, par apprentissage mutuel, en vue de la mise en œuvre d’une première expérimentation.
La démarche holistique et le changement de culture.
En établissant des interactions nouvelles à travers la participation, l’apprentissage et la coopération, la démarche holistique modifie la socialité des individus engagés dans un même projet. En impliquant ces individus dans des processus d’apprentissage, elle contribue à leur fournir des représentations et des savoirs nouveaux, ce qui à terme modifiera leurs modes de pensée/action, la démarche holistique change donc leur symbolique partagée. En construisant des modes d’action et des procédures pour réaliser la coopération et l’expérimentation, la démarche holistique les introduit dans une technologie modifiée.
La démarche holistique lorsqu’elle vise la faisabilité transforme la socialité, la symbolique et la technologie de l’entité sociale que forme l’ensemble des usagers. Or il s’agit là des trois dimensions qui définissent une culture. Il est aisé d’en conclure que la démarche holistique lorsqu’elle vise la réalisation d’un projet partagé, transforme la microculture de l’entité que forment tous ceux qui sont concernés par ce projet lorsqu’une telle entité existe déjà, ou contribue à créer un lien social entre des individus qui ne se connaissaient pas auparavant, en leur demandant d’inventer une microculture commune.
[1] Voir : ROGERS Carl (1968), Le développement de la personne humaine, Dunod, Paris, 287 pages (trad.)
[2] Au procès de Nuremberg, tous les hauts dignitaires nazis ont plaidé non coupables, se justifiant par l’obéissance aux ordres.