La recherche-action est une méthodologie de recherche fondamentale en sciences sociales fondée sur l’affirmation que l’étude des êtres humains et des entités sociales ne peut se réaliser en laboratoire, non pas à cause d’un manque de ressource (la constitution d’une entreprise à seule fin de recherche coûterait trop cher), mais à cause de l’artificialité qu’introduirait cette constitution. Cette prise de position implique que les êtres humains ne peuvent être étudiés comme des objets physiques, donc qu’ils ne peuvent être réifiés au sein d’une étude.
La recherche-action prend en compte les caractéristiques qui distinguent l’être humain de toutes les autres entités observables :
La capacité de finalisation
Une personne peut définir un objectif et mettre en œuvre des moyens pour l’atteindre. Elle peut définir cet objectif en toute liberté, elle n’est donc pas déterminée par des éléments extérieurs (libre-arbitre) ; mais elle peut aussi tenir compte des contraintes et des opportunités que lui procure son environnement pour décider de sa conduite.
La capacité de connaissance
Cette capacité est fondée sur la conscience réflexive, la capacité d’abstraction, la mémoire, etc. .... La capacité à apprendre de la personne humaine se manifeste dans les résultats des innombrables recherches, dans l’élégance des démonstrations mathématiques, dans la créativité des œuvres d’art, dans les subtilités de l’ironie et de l’humour. Il faut se garder de l’assimiler aux mécanismes d’apprentissage de l’intelligence artificielle, même si ces derniers sont utiles pour en comprendre les opérations élémentaires.
L’intériorité
Ce terme signifie que les pensées, les affects, les motivations de l’homme constituent un monde intérieur dont il est le seul à avoir connaissance. Cette connaissance est partielle, une partie de son monde intérieur étant de l’ordre de l’inconscient. L’existence de ce monde intérieur caractérise chaque personne par une opacité et par des potentialités qui lui sont propres. Chaque être humain possède une représentation originale de lui-même et du monde.
La prise en compte de ces caractéristiques impose une nouvelle approche de la connaissance scientifique, car la capacité de connaissance des êtres humains qui sont étudiés fait qu’ils sont conscients qu’un chercheur les étudie et de ce fait ils vont modifier leurs comportements et le chercheur lui-même réagit à cette modification. La situation de recherche n’est donc pas celle qui correspond à un observateur neutre et objectif qui examine un objet sans réaction, mais celle d’un apprentissage mutuel entre chercheurs et êtres humains étudiés (usagers). Les chercheurs vont apprendre à élaborer des connaissances fondamentales, les usagers vont apprendre à mieux connaître la situation dans laquelle ils se trouvent, mieux se connaître, mieux prévoir leur évolution et déterminer des moyens pour réussir leur projet.
Le fait que chercheurs et usagers possèdent chacun leurs intériorités va mettre en jeu des représentations et des attitudes réciproques. L’importance de ces représentations et attitudes dans la situation de recherche et leurs évolutions, ainsi que leurs effets sur les résultats obtenu ne sauraient être éludés, mais constituent une des problématique de la recherche. La capacité de finalisation des chercheurs pose le problème des buts poursuivis par la recherche et des valeurs qui l’animent, tandis que celle des usagers introduit les études de faisabilité dans les objectifs de l’étude.
Une démarche Holistique
Ces constats indiquent que la recherche-action s’effectue dans une situation construite et holistique. Cette construction peut se caractériser (on parlera alors de paradigmes de la recherche) par le positionnement réciproque entre chercheurs et usagers, par les finalités visées, par l’histoire et la localisation de la situation de recherche, par les représentations existantes ou plus généralement par les cultures présentes dans la situation du fait des différents interlocuteurs. Chacun des traits précédents implique une approche holistique de la situation de recherche.
À tout prendre, le positivisme et sa manifestation la plus générale le déterminisme, constitue un cas particulier de ces paradigmes. Le chercheur se positionne comme un observateur neutre et rationnel, les usagers comme des objets sans réactions, la finalité est l’établissement d’une explication par le schéma de la cause linéaire directe, la situation est atemporelle et universelle, il n’y a qu’une seule culture présente celle du rationalisme instrumental qui se manifeste dans la réduction de l’explication à la cause efficiente. On comprend alors la formidable simplification qu’opère le déterminisme à partir d’une situation de recherche concrète et l’on s’étonne moins que la connaissance scientifique ait commencé avec ce paradigme dans les domaines où celui-ci était le plus proche de la réalité (science macroscopique de la matière).
Au terme de ces réflexions préliminaires la recherche-action se définit donc comme un processus d’apprentissage conjoint entre chercheurs et usagers, poursuivant un objectif dual d’élaboration de connaissances fondamentales et de réussite de projet, qui s’effectue dans un cadre spécifique notamment éthique accepté par l’ensemble des participants .
Les résultats d’une recherche-action appartiennent à quatre catégories :
- des solutions apportées à des problèmes concrets en termes de réalisations et de démarches de mise en œuvre. Exemple : concevoir un mode d’organisation non hiérarchique et en assurer la réalisation.
- des connaissances fondamentales validées au cours de la recherche action. Exemple : l’existence de micro-cultures dans les groupes de travail.
- la formation de communautés éduquées : pédagogie pour l’acquisition de compétences individuelles et de compétences collectives. Exemple : la formation à l’animation de groupes restreints, au changement des organisations par apprentissage.
- des problématiques nouvelles pour des recherche-action ultérieures. Exemples : quelles sont les formes et les conditions qui permettent un fonctionnement en démocratie directe d’une nation moderne ? Par quelle gouvernance assurer l’autonomie des différentes entités sociales tout en assurant les conditions de leurs bien commun (subsidiarité) ?