Compte-rendu ethnographique de l’espace de gratuité mobile Le Boomerang - n°4

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Sortie du Boomerang du 06 octobre 2021

À DÉCOUVRIR : d’autres articles du même type sur le carnet de recherche participatif Développement endogène et espaces de gratuité.

Participation à la mise en place de l’espace de gratuité le « boomerang »
Le 06/10/21 après-midi (14h30-18H30)

Participants :

Benjamin, Tahar, Christophe, Sébastien, Charles, Bertrand, Ana.

Contexte :

Le lieu est une esplanade dans le 18ème (à côté du 19ème). Nous nous sommes installés devant le centre d’animation et le centre sportif, et à côté d’un collège. En face il y a une école primaire.
C’est un lieu de passage. A noter que le mercredi après-midi les écoles sont fermées.
A côté, une activité gratuite était proposée. Ce qui tombait bien ! Nous restons dans le sujet. C’est une compagnie de danse qui propose des activités corporelles gratuites pour les habitants du quartier le mercredi après-midi. Nous avons échangé avec l’organisateur.

Photo de Tahar Bouhouia

Observations :

Première fois que je participe à l’action, j’étais surprise par son avancement. J’avais participé à plusieurs réunions de travail autour du montage du projet et j’ai remarqué l’agilité de l’équipe pour arriver, en peu de temps, à s’adapter au fur et au mesure et proposer quelque chose de concret et en mouvement selon les observations de chaque sortie. J’ai senti la construction et le passage de l’idée a la concrétisation. D’abord bravo !

Il y eu beaucoup de passages, pas mal des mères et/ou grand mères seules avec des enfants, et de groupes d’enfants. Quelques messieurs aussi avec des enfants. Un groupe des jeunes adultes autistes avec des éducateurs. Au démarrage, deux jeunes qui sont restés longtemps, qui ont joué, discuté et pris des objets.

Petite séquence avec les enfants : un enfant de 4 ans, petit, a pris énormément des choses, il y avait d’autres enfants autour alors je demande… « est-ce que parce que c’est gratuit, on doit en prendre beaucoup ? » La question est restée un peu en suspens… une jeune fille a dit « c’est vrai, on peut choisir et laisser pour d’autres… », mais le petit enfant avait trop peur que je lui enlève les affaires… alors je l’ai rassuré.
Bertrand a remarqué que les enfants au démarrage prennent plein de choses puis, quand ils se rendent compte qu’ils peuvent prendre ce qu’ils veulent…. Ils lâchent un peu, et ils repartent avec moins, ils restent discuter, jouer, ….

La première question qui m’est venue sur la gratuité est la question de l’accumulation des objets et de l’appropriation. Que viennent chercher les personnes qui s’arrêtent… ? L’idée de prendre des objets par besoin ? Ou de prendre des objets par plaisir ? Le plaisir d’avoir ou d’accumuler ? Curiosité ?
Je trouvé intéressant que, par hasard, il y avait une compagnie de danse à coté qui proposé de la danse gratuite pour les gens du quartier. Du coup, on est aussi dans la gratuité mais davantage qu’autour des objets, autour de la proposition de quelque chose, d’une activité. Chose qui me semble à développer via le boomerang : les habitants souhaitent proposer une activité aux autres habitants ? Pouvons-nous proposer de choses qui restent dans l’esprit, dans une idée d’éducation populaire ?
La gratuité aussi dans les intervenants : moi j’interviens de façon bénévole, il me semble que Charles et Bertrand également… mais je ne suis pas dupe du bénéfice secondaire que cela m’apporte : la gratitude reçue de la part des habitants qui passent. Et vous ? trouvez vous un autre bénéfice ? Finalement, je trouve que nous recevons quelque chose en échange. On est finalement aussi dans la question du don et contre/don. Même si ce n’est que de la bonne humeur et des gens contents ; par les temps qui courent, c’est déjà beaucoup…

Photo de Tahar Bouhouia

Il y a eu des jeux avec des enfants, des discussions autour des problématiques de droit commun (avec des personnes sans papiers) de la musique (guitare avec les enfants ), des échanges avec les enfants et avec des adultes, … les interactions ont été riches.

Intéressant, le moment de la musique : l’enfant voulait prendre la guitare, et Seb lui a répondu, « tu ne peux pas la prendre, elle n’est pas à donner mais tu peux en jouer ». Cela s’apparentait justement à un don de quelque chose d’immatériel et cela a très bien marché, les enfants ont passé un bon moment, détendus, ils ont joué chacun leur tour.

Le boomerang a aussi proposé un espace où se poser : une maman a pris des affaires, s’est assise et a donné à manger (biberon) a son bébé. Une grand-mère a aussi pris des affaires et après, elle a expliqué à un monsieur le fonctionnement de l’espace. Elle a dit avoir déjà participé à d’autres espaces de gratuité en province. De l’échange et de l’entraide dans les explications.

Groupe des migrants : où ils auraient pu détourner l’endroit… attention… ils ne souhaitent pas parler sinon prendre des affaires en grande, très grande quantité. Nous avons dû intervenir un peu… on a laissé faire jusqu’à un certain point. Quelqu’un a eu un échange avec eux ?

Les gens trouvent cela très bien, pas mal des femmes ont demandé si elles peuvent apporter des choses, ils vont le faire la prochaine fois. Commentaires très positifs.

Photo de Tahar Bouhouia

Remarques organisation :

  • Les dates devraient être plus rythmes et repérables pour le gens. (il y a déjà un travail dans ce sens, a pousser peut être…)
  • Si l’idée est de prendre des objets mais aussi d’être dans le lien, il faudrait peut-être communiquer autour de ça : nous rapprocher des gens pour dire bonjour (on le fait déjà)… devoir dire bonjour et au revoir, ça sert, cela crée le 1er contact. Là ce n’est pas systématique. Parfois, il n’y a pas d’échange autre que via les objets. Mais c’est ça l’idée, peut-être ? Sinon, j’ai remarqué que le fait de simplement s’approcher et de dire bonjour, a provoqué des réactions et des échanges, la plupart du temps… le fait d’être très nombreux était confortable pour justement prendre le temps de discuter avec le gens, d’observer aussi, parfois de jouer avec les enfants …
  • Attention au détournement du lieu en pillage ;-)
  • On a remarqué des gens qui viennent et retournent et reviennent pour reprendre beaucoup des choses…. Peut-être à réguler ? On vient une fois, on prend des choses et on peut revenir discuter, prendre un thé… l’idée du thé ou café ou autre chose à proposer pour faciliter l’échange – il me semble qu’elle a été déjà évoquée par Charles.
  • Attention à ne pas trop réglementer, si c’est un espace à laisser apprivoiser par les habitants….
  • Autre chose : la question de la revente des objets… savons-nous si les objets sont détournés et vendus dans le quartier ?

Point de réflexion personnelle en lien avec la recherche :

Comme mettre en place la redistribution du pouvoir, de la responsabilité et du savoir via la gratuité ? Nous avons bien vu des habitants désireux d’échanger, ce lieu ouvre une espace de parole, de rencontre. La deuxième pas sera l’appropriation du projet pour pouvoir participer et le faire vivre. Là s’opère pour moi la redistribution entre habitants du quartier et les éducateurs-chercheurs. Si nous cherchons l’émancipation des citoyens, le boomerang peut être aussi un outil de partage et de redistribution, pas seulement d’objets et/ou activités, sinon aussi de parole, de connaissances, de ressources des habitants, de mise en place d’entraide, qui auraient pour objectif la disparition de l’intervention sociale, en laissant place à l’intervention citoyenne. Je sais, un peu utopique… ;-)

L’objectif de l’espace me semble atteint, sauf que les jeunes 18-25 ne sont pas venus et même, on ne les a pas vu trop passer autour … sauf derrière, dans le centre social mais fermés sur eux-mêmes et un peu tendus. Dans leurs « affaires »… je ne sais pas si la population a changé par rapport aux autres fois, ou c’est plus ou moins pareil, j’avais lu dans la note de Charles, que les jeunes étaient aussi absents la dernière fois. Est-ce qu’il y a des objets ou des activités qui peuvent attirer l’attention pour cette tranche d’âge ? peut-être qu’on pourrait parler du projet aux jeunes lors d’autres rencontres dans le quartier et leur demander leur avis sur le projet, leur possible intérêt et leur avis d’amélioration pour les intégrer au moins par la pensé.

Le boomerang m’a semblé surtout un lieu/espace de rencontre, et les objets les médiateurs. Je me suis posé la question aussi de la mixité, dans tous les sens… est-ce que les personnes vont se mélanger, ils échangent avec nous mais est-ce qu’ils échangent entre eux ? J’ai eu l’impression que les groupes se succédaient mais ne se mélangeaient pas… Mais peut-être s’agit-il d’une observation partiale de la ma part… ? À croiser avec d’autres commentaires des présents.

Ceci est un jet d’idées à la suite de cette action, a compléter, à prendre comme elles sont, dans toute leur subjectivité et a continuer a faire évoluer ensemble à travers d’autres réflexions.

Merci pour ce moment de partage !

Ana Patricio

Posté le 16 octobre 2021 par Ana Patricio