J’ai regardé avec plaisir les belles photos, lu les comptes - rendus de ces temps d’échanges, de convivialité entre les enfants et les adultes, entre les enfants. La satisfaction des enfants se lit dans leurs yeux et dans leurs sourires.
Les enfants ont pu récupérer des objets qui leur faisaient plaisir, sans que leurs parents leur disent, « je ne peux pas les acheter, c’est trop cher »… Ils pouvaient, tout à coup, satisfaire leurs envies d’avoir ceci ou cela, ce qu’ils ne peuvent pas faire dans les super marchés. J’ai aperçu dans leurs yeux le plaisir d’avoir, d’être tout à coup plus heureux parce qu’ils pouvaient avoir plein de choses sans le couperet de l’argent.
Le mythe du bonheur véhiculé par la société de consommation est là insidieux ; puisque selon cette culture, la consommation permet le bonheur, existe par le fait de posséder des baskets à la mode, la machine à café, le dernier smartphone … après quand on est plus riche, la plus belle Rolex… Alors quid, au milieu de tout ça, de la gratuité ? Pourquoi envisager la gratuité, l’échange, le partage ? Quels ressorts au cœur de la gratuité nous permettent de dépasser la superficialité de notre bonheur, de notre sensation de bien être, de rencontrer plus avant la profondeur de notre humanité ?
La question se pose de savoir pourquoi convoquer la gratuité ? Pourquoi permettre son développement, son appropriation par ces enfants, ces jeunes, ces grandes personnes ? Quels sont leurs intérêts, au delà de récupérer des objets utiles, sympathiques ? Ont-ils des attentes spécifiques ? Quelles remarques ont-ils fait sur cette caravane , quelles questions ont-ils posé ?
Que pensent-ils de la société de consommation ? Envisagent-ils une société de gratuité ? Une telle société n’apparaît-elle pas totalement utopique, puisque dans notre société tout parle argent ; les conversations quotidiennes tournent beaucoup autour du thème de l’argent ; « tu as un nouveau tee-shirt, il est bien, tu l’as acheté combien ?… oh c’est cher, moi j’en ai vu un, beaucoup moins cher… » ce type de conversation est monnaie courante ; ce n’est pas rare de croiser dans la rue des conversations téléphoniques sur ce thème « ça gagne bien ?... » ,« j’ai eu un prix… », « je vais le mettre sur le bon coin… »
Cette idée de gratuité repose sur l’idée d’échanges non profitables, sous-tend une organisation économique et sociale plus égalitaire. Cette caravane peut peut-être faire progresser ces idées d’humanité, de considération de l’autre, d’invention d’un humanisme du 21ème Siècle.
- Les réactions de certains jeunes essayant de revendre des objets récupérés à la caravane interroge sur l’échange, « le don/contre don ». Visiblement c’est une idée qui leur est étrangère, parce que ce n’est pas une valeur sociale, culturelle à la mode. Il nous faudrait peut-être approfondir cette idée de don/contre don. Ces pratiques existent, comment se manifestent-elles dans nos vies quotidiennes ?
- Il est peut-être nécessaire d’envisager comment concrètement les uns et les autres peuvent participer au déroulement de la mise en place de la caravane.
Il faudrait peut-être revenir sur le « film » de cette après midi, des échanges. Qui étaient les différents acteurs ? Qu’est-ce qu’ont fait les uns et les autres ? Leur place sur le stand ? Qu’est-ce qu’ils ont échangé ? Combien de temps sont-ils restés ? En un mot, faire une analyse de l’action ce jour là, dans ce lieu ; écrire un journal de cet événement.
- Je me demande aussi s’il ne serait pas intéressant de mettre en place un atelier de création, d’improvisation, de détournement d’objets. C’est un travail d’improvisation que font les clowns à partir d’objets familiers, un simple bâton peut devenir une fusée… ou redevenir un arbre… Ce type de travail se fait à partir de la manipulation concrète de ces objets. Ce serait une manière de s’interroger sur les rapports entretenus aux objets.
Françoise Crézé
Le 26 Septembre 2021