Sortie du Boomerang du 15 septembre 2021
« Alors quid, au milieu de tout ça, de la gratuité ? Pourquoi envisager la gratuité, l’échange, le partage ? Quels ressorts au cœur de la gratuité nous permettent de dépasser la superficialité de notre bonheur, de notre sensation de bien être, de rencontrer plus avant la profondeur de notre humanité ? »
La gratuité seule ne remet pas vraiment en cause « la société de consommation » il me semble. En effet il s’agit, si l’on considère uniquement la gratuité, de tenter un autre type d’échange. Cela en raison du développement des échanges marchands dans tout type d’activité. L’objectif de la gratuité seule est donc de libérer du circuit économique marchand, générateur d’inégalité, de pénurie ( ressources naturelles ), de gaspillage, de concurrence, etc. Les échanges marchands impliquent des rapports particuliers entre personnes ( par exemple concurrence, croyances, etc. )
Cependant, la gratuité n’est pas ici à envisager seule : il s’agit tout autant d’un espace convivial ( du moins c’est l’objectif ). Je pense que si les deux aspects d’une action comme celle la sont pensés ( et vécus surtout ) ensemble, alors cela peut questionner ou remettre en cause la « société de consommation ». Il est vrai les deux dernières actions ont consisté en grande partie en une distribution ( mais c’est essentiellement parce que ce n’est que le début ).
Ainsi, l’idée est plutôt, « pour dépasser la superficialité de notre bonheur », de mettre en place un espace de gratuité ( remet en cause la marchandisation ) et de convivialité ( remet en cause les rapports entre personnes impliqués par les échanges marchands ).
Il convient donc, selon moi, de bien allier les deux. En théorie d’abord, mais ensuite en pratique. Et la je pense que c’est une attitude à avoir et des modalités pratiques à trouver pour développer l’aspect convivial. Je pense que c’est ce que nous tentons de faire lors des espaces de gratuité.
Il me semble enfin que Benjamin a déjà traité ce sujet échange non marchand/ outil convivial, mais je n’ai pas encore pu lire beaucoup.
« Que pensent-ils de la société de consommation ? Envisagent-ils une société de gratuité ? Une telle société n’apparaît-elle pas totalement utopique, puisque dans notre société tout parle argent ; »
Il n’est pas aisé de discuter de la « société de consommation » avec la majorité des personnes présentes : ce sont beaucoup d’enfants jeunes. Cependant à certains moments des échanges avec des adultes ont pu avoir lieu, qui portaient plus ou moins sur ce sujet : lors de l’action de début Septembre, avec un camerounais qui insistait beaucoup sur le partage. De même, dans une certaine mesure, avec le photographe habitant la, qui remettait en question l’attitude des personnes vis à vis de leur image ( cela peut être relié aux rapports générés par cette société ).
Pour la dernière action, Bertrand, Benjamin et moi avons pu aborder ce type de sujets. L’action laisse du temps libre, disponible ( d’autant qu’il pleuvait et que nous n’étions que trois ), et c’est déjà, il me semble, plutôt inhabituel. En effet cette « société de consommation » génère un rapport au temps particulier, que nous pouvons tous expérimenter. Or ici ce sont quelques heures non programmées ou l’aléa est possible. C’est déjà une bonne condition pour pouvoir aborder ce type de sujet.
Il convient néanmoins de noter une nouvelle fois que ce n’est que le début, c’est à dire que remettre en question cette société n’est pas aisé ni rapide, c’est pourquoi l’action doit être longue, les personnes ne sont pas encore habituées, n’envisagent peut être pas suffisamment l’aspect convivial de l’espace.
Enfin, concernant l’utopie : je ne pense pas que cela en soit une. Je considère l’utopie comme négative : dans toute utopie il s’agit d’une organisation idéale parfaitement réglée. C’est à dire contraire à la liberté. Ici il est plutôt question de pouvoir introduire un espace de liberté, ou un temps de liberté.
Pour l’aspect souvent retenu de l’utopie, celui « d’irréalisable », il ne semble pas non plus. Il est vrai que remettre en question cette « société de consommation » n’est pas facile, ni rapide, mais si l’on tente, à notre mesure, d’instaurer un type d’action de ce genre, il apparaît que c’est possible. Bien que cela ne soit pas suffisant, c’est néanmoins utile par rapport à cet objectif.
Cette idée de gratuité repose sur l’idée d’échanges non profitables, sous-tend une organisation économique et sociale plus égalitaire. Cette caravane peut peut-être faire progresser ces idées d’humanité, de considération de l’autre, d’invention d’un humanisme du 21ème Siècle.
Il me semble qu’il y a plusieurs aspects dont il faut tenir compte à propos des échanges non marchands. Si l’on considère le côté concret de ces derniers, c’est à dire par exemple les objets échangés, il apparaît que ce sont des objets qu’on achète habituellement. Or s’ils peuvent être aussi échangés gratuitement, ce n’est que dans la mesure ou le circuit économique marchand génère automatiquement du gaspillage. Malheureusement, je pense que les espaces de gratuité reposent sur la surconsommation, donc le gaspillage. Si l’on consommait moins ( cela revient à dire si il n’y avait pas de société de consommation ), il n’y aurait pas d’espaces de gratuité comme ceux-la. En revanche, si l’on consommait moins et différemment, des échanges marchands limités auraient lieu mais avec en même temps des espaces de « gratuité » pour certains domaines comme cela à déjà pu exister. Par exemple une partie de la consommation alimentaire, les routes, l’eau, le bois, etc.
Mais cela conduit à remettre en question d’autres caractères de notre société, ce qui amène à repenser une grande partie des aspects de nos vies.
C’est pourquoi les échanges non marchands doivent, il me semble, être envisagés aussi au sein d’autres « transformations ». Mais ce type de réflexion dépasse le cadre de ces remarques.
Charles Péchon