Bilan de parcours de Lignes de Crête

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Le laboratoire créé au sein de l’APSAJ

La cellule de recherche action Lignes de Crête a vu le jour en février 2019 à l’intérieur de l’association de prévention spécialisée APSAJ, à laquelle elle est adossée. Son intention est de produire un savoir et des outils d’actions pour comprendre et agir sur la spirale de la violence dans laquelle sont englués depuis plusieurs décennies les jeunes et les familles accompagnées par les éducateurs de rue du secteur… Pour ce faire, Lignes de Crête mobilise depuis le début de l’année 2019, un réseau composé de chercheurs, d’enseignants, de formateurs et d’éducateurs.

Entre février 2019 et mars 2020, ce groupe s’est réuni sept fois. Chacun des échanges s’est déroulé sur une durée de quatre heures ; soit 28 h, au cours desquelles la cellule de recherche et ses 14 participants issus du CEDREA- [1], de l’IRTS [2] Paris, du CNAM [3], du LISRA [4], de GratiLab [5], de l’ASCEAF [6] et de l’APSAJ [7], ont créé un espace d’échanges où se croisent les essais de compréhension des phénomènes observés, l’analyse des situations vécues et des initiatives.

Cette première étape nous a donc permis de constituer un réseau intellectuel consistant, mobilisé dans la durée autour d’une intention commune ; il s’agit d’ouvrir des espaces de dialogue et de former des émancipateurs issus du terrain [8].

Cette intention commune s’intitule Lignes de Crête dans la mesure où elle situe sa démarche réflexive entre le subjectif et le social. En effet, Lignes de Crête s’emploie à développer, au cœur de la réalité des jeunes de la cité, une démarche autoréflexive située entre l’individu, le groupe et l’organisation qui englobe ces entités. Pour accompagner l’action des acteurs impliqués dans cette réalité, l’organisation les invite à adoptait une posture qui leur permet de se situer entre l’implication, la participation et l’observation. Cette posture a pour objectif de produire de la connaissance et de transformer l’action par un aller-retour entre la théorie et la pratique.

Dans cette perspective, notons que cinq éducateurs de l’APSAJ [9] impliqués dans la cellule de recherche, ont d’ores et déjà adopté cette posture auto-réflexive pour appréhender le terrain. Ajoutons, que cette posture a donné lieu à des productions écrites, publiées et consultables sur le site du CEDREA.

Encouragés par ces premiers résultats, nous nous sommes engagés ces derniers mois dans une démarche visant à rechercher les moyens pour intégrer le terrain [10]. Il s’agit de mobiliser et de réunir des jeunes et des adultes habitants le secteur Riquet/Cambrai disposés à accompagner un processus de transformation agissant dans le milieu, sur le milieu, avec le milieu. L’enjeu et la finalité de cette mobilisation étant de permettre aux jeunes et à leurs familles d’investir le champ de l’action et de l’expertise par le dialogue et l’échange.
Dans cette perspective, nous avons tenu informé une quinzaine de jeunes adultes, résidant sur les secteurs Riquet, Curial et Cambrai, de l’existence de cette cellule de recherche et de ses avancées. Nous observons que ces jeunes adultes se montrent intéressés et contribuent, de manière informelle, à la réflexion menée dans le cadre de Lignes de Crête. En faisant régulièrement référence à la démarche poursuivie par le labo, peu à peu, un dialogue s’installe autour de la nécessité et de la possibilité de sortir des affrontements inter-quartiers.

Dans cette perspective deux projets se sont dégagés lors de nos échanges. Le premier intitulé Caravane de la gratuité est en cours d’élaboration [11]. Le deuxième passe par le lancement d’une série de rencontres-débats permettant de créer une articulation entre la cellule de recherche et le tissu social local. La première rencontre devait se tenir le 27 mars et porter sur le thème de la radicalisation. La tenue de cette conférence-débat a été reportée en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus et aux instructions du gouvernement.

Pour accompagner ces actions, deux pistes de recherches-actions sont envisagées. Un séminaire destiné à l’élaboration d’une formation portant sur la non-violence, le partage et les processus de disqualification sera programmé dès que les conditions sanitaires le permettront.

L’action menée au cours de l’année écoulée avec Lignes de crête nous encourage à poursuivre dans notre démarche. Elle confirme l’hypothèse de départ selon laquelle, quand les acteurs sont dans une posture d’attention et de recherche, les choses semblent se présenter plus facilement à eux. Aussi, avec Lignes de crête, nous espérons ouvrir une brèche dans ce qui est mutique, de façon à faire naître des circonstances nouvelles. Nous postulons que de ces circonstances nouvelles naîtront des comportements nouveaux.

[1Centre d’études des dynamiques sociales et de la recherche-action.

[2Conservatoire national des arts et métiers.

[3Conservatoire national des arts et métiers.

[4Laboratoire d’innovation sociale par la recherche-action.

[5Laboratoire de recherche citoyenne sur la gratuité, l’auto-production et la culture libre.

[6Association socio-culturelle et d’entraide aux familles.

[7Association de prévention spécialisée et d’accompagnement des jeunes.

[8Jeunes, adultes et éducateurs.

[9Représentant les quatre secteurs de l’APSAJ.

[10En l’associant à cette dynamique de recherche.

[11Il s’agit d’une adaptation de la caravane de la gratuité qui a déjà été déployée dans un autre contexte, et avec des finalités différentes, dans le cadre d’une expérimentation mise en œuvre par l’association GratiLib (secteur Occitanie principalement).

Posté le 30 avril 2020 par Tahar Bouhouia